L’Organisation mondiale de la santé vient de publier son premier rapport sur le suicide. Au Maroc, le nombre de suicides a plus que doublé en 10 ans, avec plus de 1.600 cas chaque année. Les hommes sont les premières victimes.

Longtemps tabou, le suicide est désormais le principal sujet d’une vaste étude conduite par l’organisation mondiale de la santé (OMS). Publié ce jeudi à Genève, ce premier rapport du genre attire l’attention sur une tendance dramatiquement en hausse au Maroc entre 2000 et 2012.

L’OMS signale en effet que le nombre de suicides en 2012 est estimé à 1.648 cas au royaume, dont plus de 1.430 hommes et 198 femmes. Par ailleurs, selon les données de l’organisme onusien, ces décès qualifiés de « problèmes de santé public », concernent essentiellement les personnes âgées. Le taux de suicide des hommes de plus de 70 ans atteint 30,1 pour 100.000 habitants, celui des femmes s’élève lui à 3,1.

Cette prévalence se caractérise de plus par une évolution critique du taux de suicides au cours des dix années étudiées. Ce dernier augmente en effet de 97,8% (tous sexes confondus) entre 2000 et 2012. Une hausse essentiellement portée par l’évolution des suicides masculins, qui enregistrent à eux seuls un bond surprenant de 135%.

Le taux de suicide au Maroc, qui se situe entre 5 et 10 suicides pour 100.000 habitants, se révèle par ailleurs supérieur aux chiffres de la région Mena, qui enregistre globalement des données inférieures à 5 pour 100.000, indique le rapport. Le taux de suicide le plus bas a été relevé en Arabie saoudite (0,4), bien en deçà de la moyenne mondiale s’élèvant à 11,4 pour 100.000.

L’OMS signale de plus que quelque 800.000 personnes se suicident chaque année dans le monde, soit une toutes les 40 secondes. Un chiffre supérieur aux victimes de guerre ou de catastrophes naturelles. Ce phénomène atteint une ampleur jugée « inacceptable » car le suicide peut être « évité » par une politique de prévention, a déclaré le Dr Shekar Saxena, directeur du département de santé mentale à l’OMS.

L’organisme précise de plus qu’à l’instar de la tendance marocaine, la majorité des personnes qui se suicident ont plus de 50 ans, tandis que le suicide touche deux fois plus d’hommes que de femmes. L’Asie du sud-est est également plus touchée que le reste de la planète, à l’inverse de pays à tradition catholique comme l’Italie.

« Trop longtemps tabou »

En outre, ce rapport souligne que le suicide est la 2e cause de mortalité chez les jeunes âgés de 15 à 29 ans. L’absorption de pesticides, la pendaison et les armes à feu sont les méthodes de suicides les plus répandues. « Il faut agir pour répondre à un grave problème de santé publique resté trop longtemps tabou », selon la directrice générale de l’OMS Margaret Chan, qui souligne également que cet acte désespéré est « évitable ».

L’agence de l’ONU prône en effet une stratégie globale de prévention du suicide, car beaucoup de personnes qui ont attenté à leur vie ne reçoivent pas l’aide dont ils auraient besoin.

Le taux de suicide le plus élevé est en Asie du sud-est, avec un taux de suicide de 17,7 pour 100.000 habitants, supérieur à la moyenne mondiale de 11,4 pour 100.000.

En Europe aussi, le taux de suicide (12%) est plus élevé que la moyenne mondiale, avec 35.000 victimes recensées. Six pays européens sont parmi les 20 pays les plus touchés par ce fléau. Le Bélarus a le taux le plus élevé en Europe (35,5%). Il est suivi par la Lituanie (28,2), la Russie (19,5), la Hongrie (19,1), l’Ukraine (16,8), la Pologne (16,6), la Lettonie (16,2), la Finlande (14,8), et la Belgique (14,2). Dans des pays à tradition catholique comme l’Italie (4,7) et l’Espagne (5,1), les taux sont nettement plus bas.

Le Guyana affiche le record mondial des suicides avec un taux de 44,2, suivi par la Corée du Nord (38,5).

L’objectif de la stratégie de l’OMS est de réduire de 10% le taux de suicide dans l’ensemble des pays d’ici 2020.

Surexposition médiatique

Selon l’OMS, le suicide et ses tentatives sont encore considérés comme des actes criminels dans 25 pays dans le monde, notamment en Afrique et en Amérique Latine.

Ce rapport de près de 100 pages a pour but d’encourager les pays qui ont pris des mesures pour prévenir le suicide, et à placer cette question « à l’ordre du jour ». Selon l’OMS, « des interventions et un traitement efficaces et opportuns, peuvent contribuer à prévenir le suicide et les tentatives de suicide ».

L’OMS a aussi dénoncé dans ce rapport la présentation « sensationnaliste » par les médias de suicides de personnalités célèbres. Les médias, a estimé l’experte de l’OMS le Dr Alexandra Fleischmann, devraient éviter de parler de « suicide », et privilégier le terme de « perte ».

Le rapport de l’OMS n’étudie pas la question du suicide assisté, comme la Suisse l’autorise. « C’est un phénomène trop faible sur le plan statistique pour être inclus dans l’étude », selon le Dr Saxena.

En Suisse, il y a eu l’an dernier 350 suicides assistés, via des organisations ad-hoc comme Dignitas et Exit. Le taux de suicide dans ce pays, hors les suicides assistés, est de 12,2 pour 100.000 habitants.